Bidonville 8 de mayo
Buenos Aires - Argentine
- 2017 -
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La 8 de mayo, l’une de ces villas, a surgi d’une décharge à ciel ouvert. Elle se trouve au nord ouest de la capitale de Buenos Aires, prise en étau entre le quartier de Loma Hermosa et la voie rapide Camino del Buen Aire. Elle est divisée en deux parties : l’une en dur, l’autre constituée d’un amoncellement de constructions de tôles et de matériaux de récupération. On appelle cette deuxième partie « el fondo », le fond. Elle abrite les plus démunis et est également la plus dangereuse car c’est là qu’opèrent les trafiquants de crack.
Dans la partie en dur, un centre communautaire propose des activités et offre un repas à ceux qui en ont le plus besoin. Il est surtout un refuge pour les enfants délaissés, ceux dont le foyer familial, la rue et les ordures se côtoient, se mêlent jusqu'à se confondre.
Ayant maintes fois accompagné les enfants sur le chemin reliant leur domicile au centre communautaire, j’ai pris conscience de l’importance du passage d’un lieu de vie à l’autre. Ce chemin devient un fil tendu qui préserve le contact. Chaque jour, ceux qui font vivre le centre parcourent ce fil tendu avec les enfants pour aller au devant des familles. L’enfant entouré devient alors passeur, générateur de liens avec ces adultes isolés. Ce trajet qui parait anodin permet à tous de se connecter avec un endroit fédérateur, berceau de solidarité et d’espoirs.
La cohabitation au sein de ce microcosme fragile semble possible grâce au lien social sans cesse alimenté par les forces vives du centre. A la 8 de Mayo, j’ai été témoin d’une ferveur de vivre, d’une ardeur à s’organiser ensemble. Être villero, habitant de la villa, c’est un état d’être, une fierté.
Extrait d’interview : Saravá Terezinha, en charge du centre communautaire de la 8 de Mayo.
« C’est merveilleux, nous prenons soin les uns des autres comme des frères et soeurs. Nous grandissons au contact les uns des autres, nous nous disputons et malgré tout nous nous aimons, nous nous aimons profondément. Vendredi, la police est entrée armée jusqu’aux dents, mettant en joue impunément tout le monde aux alentours. Les enfants couraient, certains vers leurs parents vivant au fond de la villa. Les autres, la plupart d’entre eux, fonçaient au centre communautaire, espérant trouver un abri. Car la police n’a pas hésité à tirer.
Première réflexion : Le centre communautaire devient tranché, abri.
Deuxième réflexion : un flic me visait comme si je faisais corps avec les
ordures. »